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LES SECRETS D'un fleuve
Les hindous considèrent le Gange comme leur Mère (Ma-Ganga), capable de les guérir et de les libérer du cycle des réincarnations tout en nourrissant plusieurs centaines de millions de personnes et de soutenir l’agriculture et l’industrie.
Le fleuve sacré s’écoule sur plus de 2500km du glacier Gangotri dans l’Himalaya, où un ashram a été construit, jusque dans le Golfe du Bengale, et se charge en chemin d’oxygène (il détient le record d’oxygène dissous) qui lui permet de se régénérer comme par miracle. Les scientifiques n’ont pas encore expliqué le phénomène et l’appellent le « Facteur X ». A côté de cela, il soigne – plutôt « soignait » – puisqu’il est riche en bactériophages, qui tuent les bactéries présentes. En buvant son eau on pouvait donc se débarrasser de certaines infections bactériennes. Un fleuve magique en quelque sorte, mais tellement maltraité qu’il est aujourd’hui le plus pollué en matière fécale et en métaux lourds. Ses capacités exceptionnelles sont mises à mal. Le fleuve est aujourd’hui malade et il a besoin d’aide.
A son arrivée au pouvoir en 2014, Narendra Modi - le Premier Ministre indien - l’a bien compris. Il a lancé un grand programme de sauvetage du Gange (constructions de centres de traitement des eaux usées, fermetures d’entreprises polluantes, sensibilisation de la population…) mais ses effets ne sont pas encore visibles. Il faudra 10-15 ans d’après le Ministre de l’environnement, qui doit aussi lutter contre l’omniprésence de la corruption. A Kanpur, haut lieu de la fabrication du cuir, les centaines de tanneries continuent de déverser illégalement les métaux lourds et le chrome dans le fleuve. Malgré la fermeture de quelques unes par le gouvernement, les habitants ne s’y baignent plus.
Pour soigner le Gange, il faut aussi s’occuper de son affluent majeur, la Yamuna, puisqu’il est le seul fleuve au monde à avoir une absence totale d’oxygène dans l’eau au niveau d’Agra près du Taj Mahal. Un fleuve mort qui se recharge miraculeusement en rencontrant le Gange entre Kanpur et Bénarès.
L’utilisation excessive de l’eau par les 200 millions d’agriculteurs du bassin du Gange est l’autre point crucial. En effet, le pompage sauvage dans les nappes phréatiques, l’irrigation massive des cultures et le détournement de l’eau des canaux reliant les villes posent un problème de taille pour les habitants et leur besoin en eau. Depuis des dizaines d’années des associations éduquent les agriculteurs pour utiliser l’eau de manière plus efficace (irrigation par petites parcelles vs. la totalité du champ) mais c’est très compliqué. La seule solution serait de faire payer l’eau utilisée par les paysans, ce qui est peu probable et très risqué politiquement dans un pays principalement agricole.
L’espoir est quand même permis puisque le Susu - le célèbre dauphin aveugle du Gange menacé d’extinction - voit sa population augmenter et le Gange a obtenu avec son affluent, la Yamuna, les mêmes droits juridiques qu’une personne physique. Hélas le jugement a été cassé au bout de 4 mois par la Cour Suprême indienne en juillet 2017 mais il pourrait servir d'exemple dans les années à venir.
Le Gange (2500 km de long) prend sa source dans l'himalaya indien puis s'écoule à travers l'Inde et le Bangladesh avant de se jeter dans le Golfe du Bengal.
GEO Allemagne
Publication en novembre 2019
GEO France
Publication en juin 2018
BONUS
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